Présence caraïbe sur les cartes anciennes

La localisation des sites archéologiques amérindiens tardifs et protohistoriques recoupe celle qu’on peut tirer des informations de la cartographie ancienne.

A l’exception de Macouba [1], aucun nom d’origine amérindienne n’apparaît dans le nord de la Martinique, même là où un habitat précolombien est attesté. Macouba est donné originellement comme le nom d’une rivière (R. de Macouba) par la carte de F. Blondel (1667), alors qu’il n’y existait encore ni poste administratif ni chapelle.

Entre le Macouba et la Tartane, la cartographie ancienne a longtemps connu un ’cap de Louis’ et un ’îlet Caerman’ témoignant du souvenir des anciens Caraïbes [2]. Sur la carte de Visscher (vers 1650) la mention ’Carbet de Caraïbes’ apparaît trois fois : entre la rivière de Sainte-Marie et la Petite Rivière Salée, dans les hauteurs de Trinité et sur la presqu’île de la Caravelle. Sur la presqu’île de la Caravelle, un toponyme d’origine amérindienne a subsisté, soit par transmission, soit par attribution par les Français d’un mot caraïbe à un endroit particulier : la pointe Caracoli.

Avant 1645, la carte de Sanson-Mariette signale un important village au fond   du Cul-de-Sac Petite Grenade, le long de la Rivière du Vauclin et indique : Carbet. Lieu ou les Caraïbes font leurs assemblées. On peut également y lire la mention Carbet de caraïbes en arrière de ce qui semble être la langue de terre du Macabou, vraisemblablement en bordure de la Rivière Massel. Cette carte donne à l’actuelle Pointe du Vauclin le nom de Cap de Louys, qui renvoie au nom d’un capitaine qui semble avoir succédé à Kayerman à la tête de tous les Caraïbes de la côte ortientale et qui participe aux négociations de paix en 1660. La carte de Blondel, dressée en 1667, confirme ce toponyme et l’existence d’un village de Caraïbes au Cul-de-Sac de la Petite Grenade.

Les noms des capitaines caraïbes que donne la première cartographie de l’île ont disparu, mais ont été remplacés par ceux que leur avaient attribués Duparquet et ses premiers successeurs : Le Simon, Le Robert, Le François, La Prairie et La Rose. C’est en effet la ’politique caraïbe’ de Dupont puis de Du Parquet qui leur permit de se faire céder le Carbet et la Case   de Pilote pour étendre la colonie vers le Sud, qui expliquerait les noms français adoptés par les indigènes, si l’on en croit Pacifique de Provins qui notait :

Le Gouverneur de cette Isle sur les François se nomme Monsieur du Parquet, (…) qui gouverne son peuple avec tout plein de satisfaction de leur part ; & qui par ce moyen s’est acquis tant de crédit sur l’esprit des Sauvages de son Isle, qu’il en fait ce qu’il veut ; spécialement sur celuy de leur Capitaine, qui s’appelle le Capitaine Pilote : car il m’a dit avoir tout nouvellement obtenu de ce Sauvage, qu’il feroit près de son logis, une petite maison & Chapelle, pour y loger un ou deux peres Iesuites ; (…) Ce Capitaine Pilote dit un jour à Monsieur le Gouverneur (ainsi qu’il me l’a raconté) que pour l’amour qu’il portoit aux François, il vouloit que tous les enfans qui naistroient desormais des Caribes ou Sauvages, portassent des noms de François. [3]

Cependant, le récit de l’anonyme de Carpentras prouve que, vingt ans plus tôt, des chefs caraïbes étaient déjà connus par des noms français (Pilote, Salomon et Louis) : l’échange des noms faisait partie de leur rituel d’alliance ou banaré.

Sur la carte réalisée en 1704 par N. de Fer, on trouve dessiné un petit village, avec le renvoi en légende « n° 44 : Carbet de Sauvages Macabou. » Placé entre la Pointe du Vauclain et le Cap Louis (Pointe Duplessis) face à l’Isle Pelée (Ilet Long confondu avec tous les îlets du secteur), ce village semble localisé au Simon, toponyme dont on sait qu’il vient du nom d’un capitaine caraïbe. Il est cependant intéressant de noter que la carte donne au village le nom de Macabou, nom tiré de la langue des Kalinago. C’est en tout cas la plus ancienne mention de ce toponyme qui s’impose, dès cette époque, pour désigner la Pointe du Macabou. La carte de Labat signale, en 1722 encore, un village de Caraïbes à l’emplacement de l’habitation   Petite Grenade, dans un cul-de-sac occupé par la mangrove, à 2 km de l’actuel bourg du Vauclin. La mention de Sauvages ou de Caraïbes n’apparaît plus après cette date, mais subsiste dans le même secteur, jusqu’à la fin du XIXe siècle, une Pointe La Prairie du nom d’un capitaine caraïbe.