2 - Le durcissement du paysage habité
Densité de population
Soit une hausse moyenne d’environ 1% par an.
Sur la même période, la croissance annuelle moyenne du nombre de logements a été de 2%.
Les années 1960
« Les premiers POS ont été mis en place aux alentours de 1969 en Martinique. Les POS, qui sont aujourd’hui en cours de remplacement par des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), ont permis à travers leurs règlements de limiter certaines pratiques architecturales en vigueur dans les constructions domestiques martiniquaises édifiées dans les années 1960. Il s’agissait notamment de l’utilisation systématique d’arcades, de toitures terrasses, de pilotis, de baies vitrées, …, qui a conduit à la production de bâtiments à l’architecture pauvre, souvent disharmonieuse, que l’on pourrait qualifier de « moderniste abâtardie. (…). »
Les années 1970
« Les POS n’ont cependant pas été la panacée, car la qualité architecturale de nombreuses constructions édifiées durant les années 1970 à 1980, n’a été pas au rendez-vous, alors même qu’elles respectaient les règlements d’urbanisme. Les maitres d’oeuvre en respectant à minima ces derniers ont conçu des bâtiments à l’architecture basique qui ne présentaient pas de véritables relations d’harmonie entre les toitures et les façades, les pleins et les vides, les couleurs... (…) Les années 1970 ont connu une augmentation des logements sociaux. Les immeubles collectifs de logements se sont développés. Les maisons basses individuelles ou en bandes, ont ainsi cédé progressivement la place à des immeubles collectifs de plusieurs niveaux, généralement des R+3, voire à des barres ou à des tours de 12 étages et plus. Cela a entraîné un changement des modes d’habiter chez de nombreuses personnes qui étaient jusqu’alors peu habituées à vivre dans ce type de constructions... Les nouveaux bâtiments ont délaissé la toiture terrasse au profit des toitures en pentes, à l’instar des constructions domestiques… »
Les années 1980
« A partir de 1980, la production architecturale s’est diversifiée, influencée par l’architecture contemporaine française ou internationale, sinon par un style néo-créole qui s’est fait jour à partir de 1986, année de la première loi de défiscalisation, principalement dans les structures touristiques et dans les constructions de logements collectifs privés ou individuels. Durant cette décennie, de nombreuses opérations de résorption de l’habitat insalubre ont été menées, notamment dans les quartiers spontanés qui se sont développés durant l’exode rural des années 1960/1970, dans de nombreuses communes notamment à Fort de France, au Lamentin et à Schoelcher. Le plus célèbre étant Texaco qui a donné son nom à l’ouvrage de Patrick Chamoiseau qui a obtenu le prix Goncourt en 1992. »
Les années 1990-2000
P. Volny-Anne, architecte, CAUE, La Mouïna n° 6 Décembre 2009
2.1. Un durcissement de l’architecture
Vincent Huygues-Belrose, historien – La Mouïna n° 6, CAUE décembre 2009
L’habitat jusqu’au milieu du XXe siècle : du bois, de la paille, du torchis, de la terres cuite et crue, des gaulettes, des essentes (écailles de bois). Des matériaux souvent fragiles et des conditions sanitaires difficiles, mais un paysage habité globalement doux grâce à l’usage de matériaux naturels et à l’imbrication de la végétation avec le bâti.
Des requalifications architecturales nécessaires après une période de ’durcissement’ de l’architecture engagée à partir des années 1950 -1960 avec le béton, le fibrociment et le parpaing. Le Lorrain.
2.2. Une certaine perte de la couleur
Problème d’opération trop uniformément blanche, qui lui donne un aspect massif, fortement présente dans le paysage. Le Vauclin.
Deux formes d’urbanisation au même endroit (Tartane), où la couleur a des incidences très différentes sur le paysage littoral.
1/ Urbanisation trop uniformément blanche, donnant un caractère trop massif au bâti, qui prend un caractère trop présent dans le paysage littoral ;
2/ Bâti plus fragmenté par le végétal et plus coloré, qui atténue sa présence dans le paysage (malgré une urbanisation jusqu’en crête).
2.3. Une raréfaction du végétal urbain
Berges végétales au bord de la Rivière Madame, début XXe siècle. Une douceur aujourd’hui disparue
Fort-de-France, vue dominante au début du XXe siècle : une imbrication du végétal avec le bâti
Problème d’espaces minéralisés collés aux façades, sans végétal. Beauséjour, La Trinité.
Problème d’espaces minéralisés (voie, clôtures, murs de soutènement) sans végétal. Une image dure pour le paysage habité. Morne-des-Esses.
2.4. Une inadaptation des volumes bâtis et une pauvreté des formes architecturales
La Trinité vers 1910 et aujourd’hui. Irruption de volumes bâtis hors d’échelle, sans transition avec le bâti existant. Fragilisation du paysage , disparition de vues.
Problème de volumes bâtis hors d’échelle vis-à-vis du bâti préexistant et des pentes. Beauséjour, La Trinité.
Des volumes et des formes bâtis pas toujours adaptés au contexte. La Trinité.
Problème de rupture d’échelle excessive entre bâti individuel et bâti collectif. Anse Cosmy, La Trinité.
Une masse bâtie excessive liée à la répétitivité des formes architecturales. Anse du Diamant.
Problème de volumes répétitifs, de couleurs trop uniformément blanche et d’absence de végétal. Vers Trois-Rivières.
Trois séquences de volumes répétés, qui s’imposent à l’excès dans le paysage. Sainte-Luce.
Problème d’architecture répétitive et clonée, qui ne donne pas de sens pour le paysage habité. Le Robert.
Problème d’architecture répétitive et clonée, qui ne donne pas de sens pour le paysage habité. Fort-de-France, Cité Dillon.
Problème d’architecture répétitive, Le François.
Problème d’architecture répétitive et clonée, Le Vauclin.
Problème d’architecture clonée, sans grâce. Anse-à-l’Ane.
Problème d’architecture massive, répétitive et systématique, qui s’impose excessivement dans le paysage. Schoelcher.
Deux façons de construire dans la pente, aux conséquences paysagères radicalement contrastées (Anse-à-l’Ane, vue depuis la plage) :
en haut, maisons individuelles à l’architecture variée, accompagnées de végétal pour faire le ’liant’ ; inscription en douceur dans le site ;
en bas, maisons clonées et sans végétal d’accompagnement, donnant un aspect massif et répétitif à l’opération d’ensemble.
Entrechoquement puissant entre habitat individuel et logements collectifs sur les pentes de Fort-de-France. Entrée de ville par la RN1.
2.5. Des implantations dans les pentes problématiques
Problème de terrassement violent pour l’implantation d’un collectif sur forte pente. Vers Duchêne, Le Robert.
Problème de terrassement violent dans le paysage, érosif et dangereux, pour une implantation de maison individuelle. Les Trois-Ilets.
Problème de mur de soutènement en écaille de béton disproportionné, coûteux et disgracieux. Le Carbet.
2.6. Un durcissement de clôtures privatives peu avenantes
Problème de terrassement violent pour l’implantation d’un collectif sur forte pente. Vers Duchêne, Le Robert.
Problème de terrassement violent dans le paysage, érosif et dangereux, pour une implantation de maison individuelle. Les Trois-Ilets.
Problème de mur de soutènement en écaille de béton disproportionné, coûteux et disgracieux. Le Carbet.
Problème de clôture industrielle peu avenante en centre-ville de Fort-de-France.
Problème de linéaire de clôtures peu avenantes et trop exclusivement minérales au François.
Effet négatif des clôtures et murs béton dans le paysage habité. Tivoli, Fort-de-France.
Une clôture excessivement défensive et peu avenante dans le paysage habité du quartier. Fort-de-France.
2.7. Une dévalorisation par des points noirs architecturaux
Problème de terrassement violent pour l’implantation d’un collectif sur forte pente. Vers Duchêne, Le Robert.
Problème de terrassement violent dans le paysage, érosif et dangereux, pour une implantation de maison individuelle. Les Trois-Ilets.
Problème de mur de soutènement en écaille de béton disproportionné, coûteux et disgracieux. Le Carbet.
Friche touristique, Pointe du Bout.
Problème de bâti abandonné en centre-bourg, Le Marigot.
Logements sociaux non encore réhabilités, Le François.
Bâtiment point noir, Rivière-Pilote.
Bâtiment mal positionné au débouché de la route sur le littoral. Le Marin.
Des requalifications architecturales et paysagères nécessaires pour contribuer à rendre les centres bourgs attractifs. Saint-Joseph.
Point noir architectural massif sur la route d’accès au sacré-cœur de Balata.
Bâtiment en pignon aveugle plaqué de publicités qui dénature la perspective d’entrée de ville sur l’église. Rivière-Pilote.
Bâtiment massif peu avenant, avenue Pasteur, Fort-de-France.
L’absence de maîtrise architecturale génère des bâtiments points noirs. Fort-de-France.
2.8. Une fragilité du patrimoine bâti
Patrimoine bâti en ruine, Le Coin.
Problème d’enseignes, antennes et clim en débord de façades. Gros-Morne.
Espaces trop routiers et minéralisés autour du sacré-cœur de Balata, peu avenants.
Des aménagements qui restent excessivement minéraux et routiers, sans végétal ni ombrage au bénéfice des piétons. Basse-Pointe.
Des espaces publics insuffisamment qualifiés, trop routiers. Centre du François.
Problème de stationnement sans ombrage. Le Robert.
Problème d’espaces minéralisés et dilatés. Le François.
Dureté des espaces publics offerts dans une opération neuve, absence d’arbres. Le Vauclin.
Problème de perspective sur la mer encombrée par des implantations de kiosques, panneaux et mobilier. Les Anses d’Arlet.
2.10. Une surminéralisation des espaces publics
La rue principale de Trois-Ilets, vue vers 1910 et vue aujourd’hui.
1. Requalifier les espaces publics de façon plus douce
Voir ’ Redonner la ville au piéton et transports en commun, promouvoir la ville des courtes distances’
2. Adoucir la présence du bâti dans le paysage
P. Volny-Anne, CAUE, la Mouïna n° 6, décembre 2009.
Par les matériaux et les formes
(Kaz Antiyé – l’habitat populaire aux Antilles – J. Berthelot/M. Gaumé, Editions Perspectives Créoles 2002)
Jalousies, fanfreluches, dentelles : aération, protection du soleil et décor, qui ajoutent à la douceur de l’architecture.
Par le végétal
Par les terrassements
Deux façons de composer le bâti avec la pente, qui génèrent deux paysages bien différents :
1/ La pente est terrassée à l’horizontale ; une série de murs de soutènement disgracieux et durs accompagne la route.
2/ Les maisons se positionnent en crête ; la pente est laissée naturelle et aménagée en jardins.
Par les clôtures
Un exemple intéressant de limite privative végétale, sans trace de clôture en dur. La propriété est signalée par des plantes à couleurs vives (crotons).
Douceur et qualité de l’espace public offertes grâce au débordement généreux du végétal sur l’espace public. Saint-Joseph.
Un exemple intéressant de clôture construite en bambou.
Exemple intéressant d’absence de clôture. La limite de propriété est signalée par des plantes colorées (crotons). Vers Le Carbet.
3. Promouvoir la couleur dans l’architecture
"La peinture protège le bois et les tôles de l"humidité, elle participe aussi, avec les plantes ornementales, au décor de la case . "
"Les couleurs sont assorties généralement par deux ou trois et offrent des contrastes visuels intenses sur des éléments de petites dimensions."
En Martinique, le bois des parois est souvent d"une couleur claire sur laquelle une autre couleur permet de faire ressortir le muret et les ouvertures."
"En Guadeloupe et en Martinique, les couleurs des murs sont généralement douces et claires.Le blanc est rare, sauf en ville. Les dominantes sont l"ocre jaune, le beige et le bleu, assortis de la façon suivante :
fond jaune pâle ou beige assorti à du rose framboise écrasé, du vieux rose, du brun, du vert amande, ou du gris mauve,
fond bleu (en Martinique le bleu est souvent d"un ton plus turquoise) assorti à de l"ocre jaune, du terres de Sienne, du brun, ou du rose."
"On rencontre aussi parfois des fonds vert amande assortis à du brun ou du rose vif. Les sous faces des galeries sont peintes d"un bleu ou d"un vert pâle qui diffuse une lumière fraîche."
(Kaz Antiyé – l’habitat populaire aux Antilles – J. Berthelot/M. Gaumé, Editions Perspectives Créoles 2002).
Les couleurs denses des éléments naturels (ici la mer, le ciel, le sable, le végétal) permettent l’utilisation de couleurs denses en contrepoint (ici le rouge du bateau). Plage du Carbet.
La couleur vive traditionnelle des bateaux, Schoelcher.
Des couleurs vives inspirées des tissus Madras, sur une boutique au Prêcheur.
Des couleurs vives pour des installations sur la plage, Sainte-Luce.
Des couleurs vives pour des installations sur la plage, Sainte-Luce.
1/ Ici le rouge qui domine dans le centre-bourg desTrois-Ilets, et qui font une part de sa personnalité.
2/Dans cette même commune, des extensions récentes trop blanches qui affaiblissent la personnalité du bourg.
La couleur est un élément identitaire à prendre en compte.
1/ Ici le rouge qui domine dans le centre-bourg desTrois-Ilets, et qui font une part de sa personnalité.
2/Dans cette même commune, des extensions récentes trop blanches qui affaiblissent la personnalité du bourg.
Rouge de la tuile et des briques, jaune et bleu du bois, sur une maison traditionnelle réhabilitée aux Anses- d’Arlet.
Une maison aux coloris vifs soigneusement agencés, centre-ville de Case-Pilote.
Des couleurs soigneusement travaillées sur l’espace Perrinon, Fort-de-France.
Un jeu intéressant de couleurs terres sur une maison neuve, à La Trinité.
Un exemple intéressant de fractionnement de volume par la couleur, sur un immeuble collectif de la cité de Thoraille, Rivière Salée.
Un exemple de bâtiment retravaillé soigneusement par la couleur. Vers quartier Jeanne d’Arc, Le Lamentin.
Travail de la couleur sur une école, détail. Le Lamentin, vers quartier Jeanne d’Arc.
La culture de la couleur ne concerne pas que les maisons. Ici une glissière en béton armé peinte. RN1, Fort-de-France.
4. Poursuivre la réhabilitation du patrimoine bâti, notamment des centres urbains
Ancienne usine sucrière réhabilitée en Maison de la Canne, Les Trois Ilets
Le village de la Poterie à Trois-Ilets.
Des maisons à réhabiliter en centre-bourg de Trois-Ilets.
Une belle maison martiniquaise traditionnelle à Saint-Esprit. Toit de tuile à quatre pentes, murs de bois, volume creusé pour dégager une terrasse couverte ou une galerie.
Autre exemple de maison traditionnelle à l’Anse-à-l’Ane.
Autre exemple de maison traditionnelle au Carbet.
Autres exemples de maisons traditionnelles, à Fort-de-France.
Autres exemples de maisons traditionnelles, à Fort-de-France.
Patrimoine architectural à Didier, rue du Pr. Raymond Garcin.
Exemple de maison neuve conçue sur le modèle traditionnel de maison martiniquaise. Le Vauclin.
Patrimoine bâti réhabilité, Le Coin.
Exemple de requalification architecturale, Grand’Rivière
Un ensemble urbain traditionnel réhabilité à Saint-Esprit.
Exemple intéressant de réhabilitation de maisons de ville au Vauclin.
Exemple de maison de centre-ville réhabilitée, aux Anses d’Arlet.
Un site bâti de qualité pour ce domaine, à l’articulation entre les pentes boisées du morne et la plaine cultivée. Un exemple de patrimoine à identifier et à préserver. Vers Saint-Esprit.
Les habitations se signalent souvent dans le paysage par les plantations d’alignement qui accompagnent les chemins d’entrée. Ici Pécoul (Basse-Pointe).