Éruptions volcaniques et paysages

Les pentes raides de la Pelée dévalant vers la mer Caraïbe. Baie de Saint-Pierre

Avec la présence du volcan actif qu’est la Montagne Pelée, les paysages de l’extrémité nord de la Martinique sont susceptibles d’évoluer profondément et très rapidement, à l’échelle d’une vie d’homme. Comme l’écrit Revert, « on sort un peu de la majestueuse lenteur qui caractérise à l’ordinaire les grands phénomènes géologiques ». La Montagne Pelée s’est réveillée à quatre reprises depuis que les Français ont pris possession de l’île : en 1792, en 1851-1852, en 1902, en 1929.

L’éruption dramatique de 1902 a rayé de la carte la ville de Saint-Pierre puis le bourg du Morne  -Rouge, provoquant la mort de 30 000 personnes. Outre la destruction des constructions, les champs, les forêts, ont été totalement effacés par les nuées ardentes pouvant atteindre 500 °C et dévaler les pentes à 500 km/h.

Les témoignages des éruptions de 1902-1903 et 1929-1930 évoquent ces transformations paysagères spectaculairement rapides. D’après Lacroix (LACROIX, La Montagne Pelée et ses éruptions. Paris, Masson, 1904), après les éruptions mortelles de 1902, s’est développé un dôme, surmonté à partir d’octobre par une « aiguille de lave » atteignant jusqu’à 300m : « De toute sa masse partaient de temps à autre des bouffées de vapeurs et sans cesse s’écroulaient de ses flancs de vraies avalanches de blocs incandescents ». Cette éruption a profondément modifié la topographie. Le dôme a occupé l’ancienne caldera et la Rivière Blanche a été comblée, ainsi que ses affluents.

En 1929-1932, les nuées ont contribué à vider le dôme de 1902, en laissant se développer néanmoins un piton   central qui atteignit 1485 m d’altitude avant de redescendre à 1435 m avec les éboulements. Revert les a représentés en dessins.

Dessins de Revert représentant la transformation de la Pelée entre octobre 1929 et novembre 1931 (La Martinique, Étude géographique et humaine. Paris : Nouvelles Éditions latines, 1949, 559 pp. Collection : Bibliothèque de l’Union française.)

Dessins de Revert représentant la transformation de la Rivière Blanche et de la Rivière Sèche avec les éruptions de 1902 et 1929 (La Martinique, Étude géographique et humaine. Paris : Nouvelles Éditions latines, 1949, 559 pp. Collection : Bibliothèque de l’Union française.)

Revert note, en 1954, que « des cañons de 30 m. au moins de profondeur ont déjà réentaillé le « Champ de cendres » de 1929-1930 ».

Cette érosion très rapide creuse profondément les rivières en canyons spectaculaires. Toutefois, la conquête des laves par la végétation, favorisée par la forte pluviométrie et la fertilité des terres volcaniques qui se forment progressivement, ralentit considérablement l’érosion puissante des premiers temps.

Mais au-delà des transformations physiques des pentes et du sommet de la Montagne Pelée, l’éruption de 1902, a provoqué indirectement une profonde transformation des paysages de la Martinique, beaucoup plus largement. La disparition de Saint-Pierre, jusqu’alors ville principale de l’île, et le besoin de reloger une population du nord démunie et traumatisée, provoque le développement rapide de Fort-de-France, et contribue à faire du nord-ouest un « confins », qui ne sera que lentement reconquis, avec la (mauvaise) conscience d’un risque toujours bien présent.