Une diversité fondée sur des volcans d’âges différents
La Martinique est tout entière fille de l’activité volcanique qui a donné naissance plus globalement à l’Archipel des Petites Antilles dont l’île fait partie. On pourrait donc penser que cette origine géologique unique est plutôt facteur d’homogénéité paysagère en produisant une roche-mère et des sols semblables. Mais la longue durée de cette histoire volcanique, qui s’étend sur 40 millions d’années, a conduit aujourd’hui à une cohabitation de « morceaux de volcans » d’âges très variables, conduisant à des paysages bien distincts : alors que la Montagne Pelée est toujours active, façonnant encore le nord de l’île, d’autres formations volcaniques dans le sud sont si anciennes qu’elles sont recouvertes de dépôts sédimentaires calcaires.
Il faut brièvement raconter cette histoire pour comprendre d’où vient en partie la diversité des paysages rencontrés en Martinique. Car la particularité de l’île est de se situer au point de rencontre de deux lignées de volcans d’âges distincts.
Schéma de l’évolution du volcanisme à l’ère Tertiaire
L’Archipel des Petites Antilles est constitué d’une vingtaine d’îles disposées en chapelet nord-sud sur 850 km de long. Elles sont toutes d’origine volcanique (sauf la Barbade, sédimentaire). Ces volcans sont nés à la rencontre de la plaque Atlantique Ouest et de la plaque Caraïbe, la première se glissant par subduction sous la seconde, provoquant des éruptions (et des tremblements de terre).
Schéma des deux arcs volcaniques constituant les Caraïbes : arc ancien (en rouge) et arc récent actif (en bleu).
Si l’on observe attentivement la carte, on constate que ce chapelet est en fait constitué de deux arcs : un arc externe (vers l’atlantique) et un arc interne (côté mer des Antilles) :
- l’arc externe s’est formé à l’éocène inférieur (environ - 50 millions d’années). Le volcanisme, d’abord essentiellement sous-marin, est devenu aérien une dizaine de millions d’années plus tard. Puis l’activité volcanique s’est épuisée au fil du temps. Les vieux volcans inactifs se sont érodés et enfoncés, au point d’être recouverts par la mer. Ils ont alors reçu en surface des dépôts sédimentaires, avant d’émerger à nouveau pour former les îles calcaires que nous connaissons : Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Barbuda, Antigua, Grande Terre, la Désirade, Marie-Galante…
- l’arc interne s’est formé beaucoup plus récemment, il y a 10 millions d’années environ. Il a donné lieu à des volcans toujours actifs aujourd’hui, qui ont formé les îles de Montserrat, de Basse-Terre et des Saintes (Guadeloupe), de la Dominique, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent, …
Ces deux arcs se rencontrent exactement en Martinique :
Les reliefs doux et érodés de la presqu’île de Sainte-Anne, où se superposent calcaires et roches volcaniques anciennes. Vue d’ensemble depuis le morne Gommier.
A la pointe d’Enfer, ce rocher basaltique surmonté d’une couche calcaire témoigne de l’ancienneté des sols volcaniques de la presqu’île de Sainte-Anne, ancien volcan érodé, par endroits encore recouvert de dépôts marins calcaires.
- la presqu’île de Sainte-Anne et celle de la Caravelle, ainsi que les calcaires récifaux de Macabou sont héritées de l’arc externe ; ils composent des paysages érodés aux reliefs doux, dont les sols affleurants les plus anciens sont datés de 25 millions d’années environ (fin de l’oligocène), mêlant calcaires et roches volcaniques anciennes ;
Les pentes raides de la Pelée dévalant vers la mer Caraïbe. Baie de Saint-Pierre
- le reste de l’île est hérité de l’arc interne, offrant des reliefs plus élevés, jusqu’à la Pelée toujours active.
(En Guadeloupe, les deux arcs se côtoient, donnant les deux îles voisines aux visages si différents que sont Grande Terre et Basse Terre.)
Au final, la diversité paysagère globale et contrastée rencontrée à l’échelle des Petites Antilles, héritée de deux histoires volcaniques distinctes, est particulièrement remarquable en Martinique, où les deux histoires cohabitent sur une même et unique île.
