2 - Le durcissement des paysages Martiniquais

Le travail de terrain, de recherche et d’analyse comparative diachronique des cartes et photographies successives permet de mettre au jour les processus de transformation des paysages de la Martinique au cours des dernières décennies. Six grandes tendances émergent : le phénomène d’urbanisation, le durcissement du paysage   habité, l’omnipotence de la voiture individuelle, la sur-présence des activités, la fragilisation des paysages agricoles, la fragilisation des espaces de nature.

Globalement , tous ces phénomènes mis au jour montrent un durcissement des paysages Martiniquais, de plus en plus marqués par l’urbanisation conquérante, les matériaux de construction "en dur", les masses de voitures sur les routes et les espaces publics, les dispositifs et les équipements techniques de sécurité, les zones d’activités, les panneaux publicitaires, l’artificialisation des bords de mer comme des bords de rivières, la minéralisation des sols, les emprises routières, la séparation fonctionnelle des usages, qui conduit à des formes de coupures et de ségrégation spatiale. Ce durcissement du cadre de vie succède à la « durcification » des cases qui, dans les années 1950-1960, a pu être vécue positivement : accès à un habitat résistant aux cyclones, conditions d’hygiène améliorées, propreté des sols, symboles d’un progrès social : « Mais ce qui m’a sauvée, explique l’héroïne de Texaco, c’est de savoir très tôt que l’En-ville   était là. L’En-ville  , avec ses chances toutes neuves, marchandes des destinées sans canne à sucre et sans békés. L’En-ville   où les orteils n’ont pas couleur de boue ».

Le durcissement contemporain est d’une autre ampleur que la durcification passée. Il est le reflet d’un mode de relation à l’environnement surconsommateur d’espace et de ressource. On sait qu’il est aussi le reflet de relations sociales également dures, aux racines historiques et culturelles profondes. Pour Laurent Charré et Albert Flagie

« L’organisation du territoire comme la forme ou le statut des villes se sont vus structurés par la contrainte continue, l’échange inégal avec la métropole ou les autres îles et la perpétuelle violence, implicite ou déclarée, dans les rapports sociaux » (« Les tendances de l’urbanisation en Martinique », DDE mai 2001).

Pour Mme Esméralda, sociologue, la Martinique est un pays stressé : il existe une violence permanente qui vient de la société de consommation, de la tension raciale, de la densité et du manque de place, mais aussi de la nature elle-même, voire du réchauffement climatique, qui unifie les saisons, n’offrant plus ou plus autant le répit d’une période fraîche pendant l’hivernage (com. pers. du 19 octobre 2010).