Variations géologiques et diversité paysagère
Même sur les seuls dix derniers millions d’années, l’histoire complexe des éruptions et sédimentations a façonné une Martinique faite de morceaux de volcans d’âges et de natures différentes qui se sont en partie recouverts les uns les autres. Aussi, au-delà de cette singularité martiniquaise comme point de rencontre des deux arcs des Petites Antilles, la géologie explique assez clairement la diversité des paysages Martiniquais, et ceci à différentes échelles. Les délimitations des grands ensembles et des unités de paysages, tracées sur la carte géologique, l’expriment :
La distinction entre les deux grands ensembles nord et sud de l’île, de part et d’autre de la ligne Fort-de-France/La Trinité, apparaît ainsi très clairement liée à la géologie : au nord les formations géologiques récentes (cycle plio-quaternaire), au sud des formations plus anciennes (cycle miocène) ; le cycle oligocène, plus ancien encore, correspondant aux presqu’îles de Sainte-Anne et le la Caravelle liées à l’histoire de l’arc externe des Petites Antilles telle qu’évoquée ci-dessus.
La délimitation des grands ensembles de paysages se retrouve également en partie fondée sur la géologie :
• c’est très net entre la Montagne Pelée et les massifs plus anciens des Pitons du Carbet et du Morne Jacob ;
• on lit également le grand ensemble des mornes du sud comme géologiquement assez homogène, correspondant à la chaîne volcanique sous-marine du Vauclin-Pitault ;
• bien sûr la presqu’île de Sainte-Anne, plus ancienne se distingue également.
A l’échelle des unités et sous-unités, quelques éléments d’interprétation géologique méritent également d’être pointés :
La plaine du Morne-Rouge appartient géologiquement à la Pelée, qu’elle met en scène depuis la route de la Trace
• on comprend bien par exemple pourquoi la plaine du Morne -Rouge est rattachée à la Pelée, bien que s’immisçant dans le massif des Pitons : c’est que les coulées de la Pelée se sont étendues vers le sud, bouchant l’ancien lac de Champflore et prolongeant d’autant la plaine de couture entre les deux massifs volcaniques ;
• juste au nord de la Pelée, le Piton Mont Conil et ses sommets adjacents (Piton Pierreux, Morne Sibérie, Pain de Sucre, Morne Sainte-Croix) sont des restes d’un volcan plus ancien en partie recouvert par les coulées de la Pelée : dans le paysage , cette formation plus ancienne se traduit par une érosion plus marquée et plus complexe des pentes, sans planèze habitable et cultivable : aucune route n’y passe, et le chemin de randonnée qui court d’Anse Couleuvre à Grand’Rivière y zigzague par monts et par vaux ;
Les horizons des Pitons du Carbet, avec au premier plan le quartier Terreville (pentes de Schoelcher)
• les pentes de Fort-de-France se distinguent des autres en correspondant à des épanchements des volcans du Carbet, longuement déroulés et causant ces pentes de planèze aujourd’hui habitables, dominant les rivières qui les entaillent profondément restées quant à elles essentiellement boisées : d’où ces paysages de ville-nature des quartiers hauts de Fort-de-France (jusqu’à Balata).
Affleurements calcaires vers Le Marin, dans les flancs de Montgérald
Les vieux basaltes des pitons du Carbet
A l’échelle des sites, plus précise encore, il faut des yeux attentifs pour déceler quelques singularités paysagères fondées sur la géologie. Ainsi par exemple, ponctuellement, des sols calcaires peuvent affleurer, pris dans les roches volcaniques, en plus de ceux rencontrés sur les presqu’îles de Sainte-Anne et la Caravelle : autour de la Montagne du Vauclin notamment, et surtout près du Marin (où les affleurements calcaires couvrent 4 km2). Ils sont hérités de phases volcaniques sous-marines, où l’arrêt d’activité a permis la sédimentation, retrouvée aujourd’hui émergée. Dans ces secteurs, la nature distincte de la roche-mère reste discrète dans le paysage . Elle peut se repérer à la végétation, qui n’offre pas exactement le même aspect selon l’un et l’autre sol. Ainsi Eugène Revert note, en évoquant le sud vers Sainte-Anne où s’imbriquent les calcaires « à ravets » et les roches volcaniques :