De la mer à la terre, une révolution récente des transports et déplacements

« Les lignes contiennent mal le désordre, l’église fixe le ciel et déroule une hostie jusqu’aux lèvres de la mer. Les bourgs recueillaient les sucres d’habitations pour les offrir aux bateaux à grandes ailes. Le bourg regarde toujours la mer, il attend le bateau, et l’église lui assure comme une bénédiction. »

Patrick Chamoiseau
Trésors cachés et patrimoine naturel de la Martinique vue du ciel- HC Editions 2007

La perception des paysages de la Martinique, et leur développement, ont été bouleversés par la révolution des modes de transport au XXe siècle.

Jusqu’à l’avènement de la voiture et des camions, soit jusqu’aux années 1930, les transports essentiels se faisaient par mer : on abordait les villes, les bourgs et les usines par la voie d’eau, faisant du littoral un espace très vivant qui mettait élégamment en scène les côtes et les sites bâtis dans leur relation avec la mer au premier plan, la montagne en arrière-plan. Le cabotage représentait un déplacement moins onéreux et plus rapide que par voie de terre, du fait des reliefs insulaires. Ces déplacements concernaient surtout la côte Caraïbe, plus abritée, ce qui explique son développement : présence des villes principales de Saint-Pierre, de Fort-de-France, et des bourgs du Lamentin, Ducos, Petit-Bourg, Rivière Salée, Trois-Ilets, autour de la baie des Flamands (Fort-de-France). On employait le « canot », c’est-à-dire le « gommier » de grande taille dans les régions sous le vent ; les liaisons régulières à vapeur furent prospères au début du siècle, avec un double service quotidien reliant Fort-de-France à Saint-Pierre, auxquelles s’ajoutaient des nombreux « yachts » ou vedettes, les uns à vapeur, les autres à essence. Des goélettes pontées à un ou deux mâts, des « gros bois », barques non pontées, à deux mâts, aux voiles triangulaires « qui, par vent arrière, leur donnent l’allure d’un grand oiseau éployé » (Revert), assuraient le transport des marchandises les plus lourdes.

Peu à peu cependant, avec la concurrence accrue des transports automobiles, le trafic côtier se mit à décliner. On supprima d’abord les escales de la côte Est, on espaça de plus en plus les voyages sur les autres lignes. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une compagnie pour assurer des liaisons maritimes entre Les Trois-Ilets et Fort-de-France.