Les paysages végétaux domestiques, les espèces introduites

Les jardins créoles

Case noyée dans son jardin créole, vers Augrain (Le Robert)

Les paysages végétaux ne se cantonnent pas qu’aux milieux naturels. Une partie d’entre eux sont en fait « habités », accompagnant de façon intime les maisons. Ils sont alors composés en bonne part d’essences utilitaires, parfois décoratives. Ils forment les jardins créoles.

Sur les pentes habitées et cultivées du nord-est (du morne   Capot à Saint-Joseph) et sur les pentes et crêtes des mornes du sud, cette végétation des jardins créoles présente de multiples qualités : elle atténue la présence du bâti dans le paysage  , agrémente les abords (l’alentour) de frondaisons élégantes (celles du cocotier, celles de l’arbre à pain par exemple), réduit l’érosion par ruissellement, procure de l’ombre et des vivres.

Les jardins des habitations

Jardin de l’habitation Saint-Etienne

Plus bas en altitude, isolées dans les grands domaines agricoles, de grands arbres ornementaux composent des allées, des jardins voire des parcs qui, de loin, annoncent la présence d’une habitation  .

Les espèces introduites

Palmiers royaux de l’habitation Saint-Etienne, palmiers originaires de Cuba

Dans ces jardins, mais aussi dans les espaces agricoles, la plupart des espèces nourricières et ornementales sont en réalité introduites, originaires du monde entier. Dans la France d’Amérique, Eugène Revert, le rappelle :

« Les Caraïbes utilisaient le manioc, les patates, l’ananas, quelques espèces de pois ou d’ignames, les choux dits Caraïbes ou Yautias, le coton et le roucou. Les cannes et le cacao existaient peut-être, mais ne faisaient l’objet d’aucune exploitation régulière. Le café, comme chacun sait, fut introduit au XVIIIe siècle par Desclieux. Les cocotiers n’ont commencé que vers 1660 à ombrager les villages de pêcheurs de leurs palmes bruissantes. Les filaos forment plus d’une allée conduisant à une vieille demeure.(…) Ils sont originaires de Madagascar. Le bananier a été introduit au XVIe siècle. Ce sont également les Européens qui ont amené tous les agrumes. L’avocatier n’est arrivé qu’à la fin du XVIIe siècle. Le manguier et l’arbre à pain datent de la fin du XVIIe siècle. Les tamariniers viennent de l’Inde, les samanas du Brésil. Les bambous ont été introduits par Mahé de la Bourdonnais, déporté par les vents du cap de Bonne-Espérance aux Antilles lors de son retour en Europe. Chaque époque en fin de compte a vu l’acclimatation de plantes nouvelles, utiles ou ornementales. (…) La flore actuelle des Antilles Françaises est donc en pleine et rapide évolution. Le décor d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier ».

Et il ajoute :

« Il est un premier résultat, doucement paradoxal, qu’il vaut la peine de souligner. Peintres, artistes, littérateurs s’extasient à l’envi sur la puissance de la végétation et le parfum d’exotisme qui s’en dégage. Or, cet exotisme, celui des bambous, des cocotiers, des filaos, des manguiers, des flamboyants, des bananiers est d’importation récente. » (E. Revert La France d’Amérique1955)

Les espèces colonisatrices

« Cierges » ou cereus naturalisé sur les pentes du Morne Larcher. Les cactus ont été favorisés par les plantations défensives en bordure du rivage ; elles étaient imposées par les règlements du XVIIe siècle pour gêner d’éventuels assauts.

Certaines espèces ne se sont pas cantonnées aux espaces cultivés, et montrent un caractère plus ou moins envahissant en colonisant les milieux naturels :

  • le cocotier a gagné les rivages antillais avec les colonisateurs européens et se rencontre couramment sur les rivages et dans les jardins,
  • le campêche, introduit d’Amérique centrale, a été abondamment planté pour la teinture ; il domine aujourd’hui dans de nombreux taillis secs du sud
  • la pomme-rose, originaire d’Asie du sud-est, utilisée depuis le XVIIIe siècle comme ombrage pour les plantations de caféiers et cacaoyers, colonise aujourd’hui les sentiers de la forêt hygrophile et les bords de rivières ;
  • le tulipier du Gabon gagne dans la forêt méso-hygrophile ;
  • manguiers et châtaigniers (arbre à pain) se maintiennent en forêt mésophile ;
  • les agaves et les cactacées (« raquettes » ou opuntias aux longs piquants, « cierges » ou cereus aux minces colonnes érigées vers le ciel) ont été favorisés par les plantations en bordure du rivage ; elles étaient imposées par les règlements du XVIIe siècle pour gêner d’éventuels assauts ;
  • les savanes abandonnées sont vite envahies par les goyaviers. La plante, bien qu’originaire de l’Amérique tropicale, a été répandue dans les îles par les Espagnols.
  • les canéficiers, aux lourdes grappes de fleurs odorantes et jaunes abondent autour du Diamant, des Anses d’Arlets et de Bellefontaine. Ils sont arrivés des Indes Orientales (Revert) ;
  • les bambous, introduits d’Asie pour fixer le sol après l’éruption de la Montagne Pelée, qui modifient fortement les paysages forestiers, en lisière des routes sur des espaces dégradés mais aussi en fond   le long des cours d’eau.