Les bourgs ruraux ou littoraux et le leg des sites bâtis

Centre-ville du Lorrain ; bâtiments cubiques de béton des années 1960, à un ou deux étages : une constante des bourgs de la Martinique

Centre-bourg du Lamentin : bâtiments R+1/R+2 excessivement minéralisés, importance de la couleur

Le Robert, centre ville

Outre les campagnes et les mornes habités de façon essaimée évoqués ci-dessus, le paysage   habité de l’intérieur de l’île, comme celui du littoral, s’organise également en bourgs dont certains prennent un type urbain, à fonction de marché, de centre commercial et de service : Revert les décrit ainsi dans les années 1940-1950 : « Les maisons fortement agglomérées dans les rues principales possèdent cette cohésion qui fait défaut dans les agglomérations de type rural et même de type pêcheur. Construites en bois ou en pierre, elles ont le plus souvent un étage. À la hauteur du premier étage, un auvent protège la façade contre la morsure du temps et l’intérieur contre l’ardeur excessive du soleil. Des magasins, des cabarets, des ateliers de petits artisans... occupent habituellement le rez-de-chaussée, tandis que le premier étage sert de logement (…) »

Centre-bourg encore dominé par la voiture et la présence des réseaux aériens. Ici Ducos

Front de mer de La Trinité. Exemple d’espaces publics et d’architecture à revaloriser

Centre-ville du François, un des nombreux exemples d’espace public à revaloriser

Centre-bourg de Rivière-Salée : une architecture et des espaces publics à requalifier

Centre-ville de Gros-Morne, marqué par le béton des maisons et des soutènements

Réseaux aériens envahissants, dans le ciel du Lamentin

Aujourd’hui, la plupart de ces bourgs offrent une image malheureusement peu attractive voire dégradée : les maisons de bois et de pierre couvertes de toits de tuile ont largement cédé la place aux cubes de béton des années 1960, vieillissants. L’espace public est fréquemment phagocyté par les voitures, laissant peu de place aux piétons ; lorsque les reliefs sont forts, ils ont conduit à des murs de soutènement qui ajoutent à la dure minéralité des espaces ; et les réseaux aériens électriques et téléphoniques encombrent le ciel.

Patrimoine urbain des Trois-Ilets, couleurs chaudes

Exemple intéressant de patrimoine architectural revalorisé au Saint-Esprit

Des maisons réhabilitées au centre de Saint-Esprit, qui contribuent à la qualité paysagère de la ville.

Certains bourgs néanmoins ont su préserver une part de leur charme et de l’architecture qui va avec :

  • les Trois-Ilets offre une ambiance villageoise particulière, favorisée par la présence de la brique et de la tuile aux couleurs chaudes ;
  • Saint-Esprit, bourg marché qui a pris naissance au carrefour de deux routes suivant des vallées confluentes, à la limite aussi de la grande et de la petite propriété, présente un aspect urbain marqué, valorisé par des maisons à étages et balcons encore bien présentes ;
  • les bourgs littoraux apparaissent par endroits précisément organisés, entre le ponton d’embarcadère et l’église dans sa perspective. On le lit bien par exemple aux Anses-d’Arlet.

Beaucoup de bourgs se sont formés progressivement par la création de l’église qui a cristallisé une centralité au sein du bâti diffus lorsque les conditions topographiques permettaient d’agglomérer les cases. Ainsi du Robert et du François par exemple sur le littoral ; ainsi de Saint-Joseph dans les terres, qui fut fondé à mi-distance de Fort-de-France et du Gros-Morne  , ex nihilo, à partir de la construction de l’église et du presbytère par l’abbé Maillard.

Si la qualité architecturale fait aujourd’hui souvent cruellement défaut, il reste pour bien des bourgs une qualité de site bâti  , c’est-à-dire une présence globale de l’ensemble construit dans le paysage  , qui contribue grandement à leur qualité :

Le beau site bâti de Morne-Vert

-c’est le cas du Morne  -Vert, par exemple, élégamment accroché aux reliefs et dominé par les silhouettes hautes et arrondies des Pitons du Carbet ;

Site bâti de Ducos, dominé par l’église sur son coteau

- les bourgs du Lamentin, de Ducos, de Petit Bourg, de Rivière Salée, occupent des positions précises, sur les derniers reliefs qui dominent encore la plaine marécageuse du fond   de baie de Fort-de-France, à l’extrémité du canal accessible aux petites embarcations qui les relie à la mer ; le site de Ducos apparaît particulièrement lisible, avec son église coiffant le coteau, et la RN 5 contournant le site et le mettant en scène ;

Les Anses d’Arlet : exemple de village de pêcheurs, niché dans sa baie

Le site bâti de Grand-Rivière

Le site bâti des Trois Ilets

les villages de pêcheurs en bord de mer s’implantent délicatement en fond   de baie, comme des perles dans des huîtres ; les reliefs dominants qui les encadrent les mettent particulièrement bien en scène dans le paysage  , tout en constituant leurs perspectives et leur écrin : c’est particulièrement vrai pour ceux de la presqu’île sud-ouest : Petite-Anse, les Anses d’Arlet, l’Anse à l’Ane, …

Problème de fragilisation de site bâti : horizon des pentes colonisées par les maisons nouvelles. Vue d’en bas (Anses d’Arlet)

Problème de fragilisation de site bâti : horizon des pentes colonisées par les maisons nouvelles. Vue d’en haut (Anses d’Arlet)

Ces sites apparaissent éminemment fragiles aujourd’hui, particulièrement sur le littoral : au lieu de conforter les centralités en place, beaucoup d’opérations immobilières très récentes ou encore en cours tendent à les « éclater » en colonisant les pentes alentour, détruisant cette relation précieuse et belle entre le bourg et son écrin de nature.