Le tourisme

Cette branche du commerce, comme on disait en 1930, apparaît bien avant la départementalisation et, dans le fond  , ne lui doit pas grand-chose, comme le prouve son essor dans les îles voisines devenues indépendantes. En 1946 encore, c’était une activité réduite, malgré la fondation, depuis 1913, d’un Syndicat d’initiative par Théodore Baude et malgré de nombreuses incitations venues du milieu des intellectuels martiniquais, tels Sylvestre, Lotau ou encore Philémon, avant et après les fêtes du Tricentenaire (1935). Avant la Seconde guerre, les voyageurs agréés, pouvaient coucher, suivant le cas, soit à la mairie, soit à la gendarmerie, où une chambre était toujours réservée pour les passants, raconte E. Revert. Le tourisme à la Martinique était donc très particulier : venu d’Europe ou d’Amérique du nord, le touriste y faisait escale mais n’y séjournait pas. Au mieux, on débarquait à Saint-Pierre et l’on gagnait Fort-de-France par la Trace dans des voitures de louages ou inversement, pour reprendre le navire qui repartait le soir même. Pourtant, Théodore Baude et ses amis avaient procédé à des aménagements de circuits touristiques, avaient posé des plaques commémoratives en bordure de route (Fort d’Esnambuc à Saint-Pierre, tombe de Baas à Case   Pilote, Camp Décidé et Lunette Bouillé à Redoute, etc), mais sans doute cela demeurait réservé aux initiés.

Ces mœurs ont évolué rapidement avec les facilités de la circulation transatlantique, maritimes d’abord, aériennes ensuite.

Dès 1939, le Bord de Mer de Fort-de-France est dégagé pour accueillir les voyageurs. Un Office du Tourisme y est installé. Dans le même élan, le Vieux Moulin de Didier est aménagé en hôtel de classe internationale, initiative brisée par la guerre. Dès 1946, les études pour la transformation du Sud de la baie de Fort-de-France en cité touristique commencent : elles aboutissent avec le IIIe Plan (1956) seulement par la construction du complexe des Trois Ilets au début des années 1960. De 1956 à 1970, on passe de 3 hôtels et 91 chambres de niveau international à 15 hôtels et 728 chambres. Dès lors, la machine touristique est lancée pour le sud de l’île, avec une antenne au Cap Est, mais les infrastructures ne se mettent en place que lentement, en retard sur les divers plans de développement. On constate en particulier les insuffisances du réseau d’adduction d’eau vers les zones touristiques, ainsi que celles des liaisons téléphoniques et télégraphiques. En outre, le coefficient moyen d’occupation des chambres ne dépasse que rarement 50 % jusqu’en 1970.

L’aéroport du Lamentin, construit entre 1948 et 1952 est accessible aux Boeings en 1964, la piste a ensuite été périodiquement prolongée pour suivre l’évolution des gros porteurs longs courriers. Le port de Fort-de-France a été agrandi et réaménagé pour les voyageurs, jusqu’en 1968, ensuite l’effort n’a plus porté que sur l’accueil et la manutention du trafic marchandise.

Le réseau routier a lui aussi été amélioré et complété. Il y avait en 1970 238 km de routes nationales, 519 km de routes départementales dont 420 km revêtus et 599 km de routes communales, dont 263 km revêtus.

Le secteur du bâtiment et des travaux publics a connu une croissance rapide du fait de ces divers aménagements et le paysage   en a été directement marqué. Les injections de capitaux liés aux équipements puis l’assimilation progressive des régimes de protection sociale et du niveau de base des salaires avec la France ont énormément bénéficié au secteur tertiaire qui a modifié ses offres, engageant lui aussi le consommateur martiniquais dans la voie de l’assimilation : entre 1960 et 1970, les revenus des Martiniquais ont plus que doublé, leurs dépenses en produits de consommation et les déchets lâchés dans la nature aussi.

Consommation de masse et tourisme affectent le paysage   non seulement dans son intégrité mais aussi dans sa représentation. En outre, tandis que ces deux activités perturbent, dégradent parfois l’environnement, elles fabriquent et diffusent, pour vivre, une image publicitaire du paysage  , un ’produit paysager’, alors même qu’elles contribuent à détruire le paysage   réel, en particulier par l’affichage.