3 - Un paysage adouci : enjeu central pour le développement durable de la Martinique

Dans le contexte insulaire et petit de la Martinique, intensément habité, le durcissement constaté des paysages n’apparaît pas soutenable ; il est gravement contradictoire avec les valeurs paysagères clefs portées par l’île, qui naissent à l’inverse d’un mariage intelligent et doux des activités humaines avec les forces de la nature Martiniquaise

(voir A. Les valeurs paysagères clefs de la Martinique : synthèse)

le durcissement prête à conséquence à la fois sur l’environnement et sur les rapports sociaux. Il ne fait l’intérêt économique que de quelques-uns, marchands de matériaux, services techniques en charge de la gestion de l’espace ou autres, mais ne sert pas l’intérêt commun et sur le long terme. Au rythme actuel de consommation, la réserve foncière de la Martinique est estimée à 28 ans. Pour comparaison, la réserve foncière de la région Ile-de-France est évaluée à 200 ans (source Profil environnemental DIREN 2008).
L’évolution des paysages de la Martinique interroge les politiques publiques d’urbanisme, d’habitat, de transports et déplacements, d’agriculture, de développement économique, touristique et énergétique, de culture, d’environnement. Comment composer un cadre de vie adouci et apaisé, reflets de relations pacifiées entre les hommes comme entre les hommes et la nature ? Tel est bien l’enjeu majeur de la Martinique en termes de paysage  .
Cette ambition qualitative à porter pour le territoire Martiniquais n’est pas une opération de cosmétique. Il s’agit d’actions essentielles à la survie de l’île, dans sa recherche de développement économique et social durables, et plus fondamentalement dans sa quête de renforcement culturel et identitaire, luttant contre la banalisation en marche et pour l’expression visible et sensible de ses spécificités.
Beaucoup sont conscients des liens étroits entre paysage  , économie, équité sociale, identité culturelle : « Quand les paysages sont dégradés, rappelle Pascal Saffache, Président de l’Université des Antilles et de la Guyane, il y a moins de fréquentation touristique et donc une activité économique ralentie, en tout cas sur le plan touristique. Je crois qu’il faut prendre conscience que Economie et Environnement sont deux données totalement liées et incontournables. On ne peut les opposer. Le paysage   permet de lier économie et environnement. Il est comme le littoral support d’activités économiques. Mais, si on fait du développement sans tenir compte du littoral et du paysage  , on tue la poule aux oeufs d’or. » (La Mouïna n° 6, CAUE décembre 2009).
Et comme en écho, la sociologue Danielle Laport ajoute :

« on peut se demander à qui profite la croissance de 4,6% en moyenne par an constatée en Martinique entre 1993 et 2003. Ce type de développement territorial m’interpelle. Il est peut-être temps de donner une âme au développement de la Martinique. Je ne peux pas m’arrêter à un paysage  , à des infrastructures pour dire que la Martinique est belle. Elle sera belle lorsque la croissance sera répartie équitablement, que les poches de pauvreté seront réduites, voire éliminées ! (…) La qualité du cadre de vie n’est pas seulement l’embellissement et l’organisation de l’habitat. Il s’agit de penser cette société de consommation en lui donnant un contenu qui n’aille pas à l’encontre des intérêts des Martiniquais fragilisés et de la Martinique. »

Au-delà de la conscience des professionnels qui gravitent autour de la question du paysage  , il reste une incarnation politique qui fait encore défaut à l’échelle de la Martinique. Comme l’explique Jean-Camille Petit, architecte : « Aujourd’hui, Il faut repenser l’aménagement du territoire Martiniquais. La grande difficulté est qu’il n’y a pas vraiment une volonté forte de faire un aménagement du territoire à la Martinique avec des structures qui seraient prises en charge par les élus. On a mis en place des schémas mais il n’y a pas de projet global, faute peut-être collectivité animatrice et reconnue comme telle » (CAUE la Mouïna n° 6, décembre 2009).

Et Danielle Laport ajoute :

« Je déplore l’absence de volontarisme. Tout se fait parce que la loi oblige. L’intérêt général n’est pas spontané, il est obligé ! (…) Au-delà des schémas d’aménagement du territoire, il importe d’avoir des femmes et des hommes capables de prendre des initiatives, de se dépasser, quitte à déranger pour concrétiser et faire vivre tout cela. »