Jardins d’esclaves

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* Traduction graphique de l’habitation  . Sucrerie idéale selon Labat par Lasserre.

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*Plan d’une petite Guinée et reconstitution d’un ’jardin caz’.

Avant l’arrivée des Hollandais en 1654, il était dans l’usage de laisser un petit terrain aux esclaves vers les bois debout ou les raziers. C’était aussi ancien que l’esclavage, affirme G. Debien, mais dans quelle mesure cet usage était-il spontané, quand cette mesure avait-elle été importé d’Afrique ?

Sur la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe, suivant les régions, se produit lentement un changement dans le système de nourriture des esclaves qui aboutit à donner, une place prépondérante à ces jardins serviles. Leur agrandissement et leur multiplication sont la conséquence de l’arrivée, un demi-siècle plutôt, des fameux « Hollandais » chassés du Brésil par les Portugais triomphants. Ils avaient amené leur technique sucrière, leurs maîtres raffineurs et même leurs esclaves et surtout leur manière particulière de les diriger et de les nourrir. Leur influence pénétra lentement. On établit d’abord de petites sucreries avec quelques douzaines d’esclaves, et on traita ces derniers « à la façon du Brésil », c’est-à-dire que, dans leurs jardins, ils devaient produire l’essentiel de leurs vivres pendant la journée qui leur était accordé : le « Samedi nègre ».

Au début, c’était un petit terrain défriché qui occupait un espace proche des cabanes des engagés ou des esclaves et qui se prolongeait un peu en arrière : le « jardin de case   ». Ce terme sera repris plus tard pour décrire l’agriculture africaine. Pour définir ses limites, les esclaves plantaient des haies épineuses que les maîtres eurent beaucoup de mal à faire remplacer par des barrières pour éviter la multiplication. De ces jardins de case   d’étendue à peu près égale les esclaves tiraient en théorie les suppléments aux vivres de distribution, souvent presque tous leurs vivres. Leur étendue, leur disposition plus ou moins régulière leur donnaient un air de libre désordre. Ce caractère des quartiers d’esclaves les faisait appeler ’petites guinées’.

A ces jardins de case   s’ajoutaient les places à vivres ou « vivres communs » qui étaient cultivés de la même manière et aux mêmes jours que les parcelles consacrées aux cultures commerciales, en particulier lorsque l’habitation   était vivrière et vendait sa production aux habitations spécialisées dans le tabac, le sucre, le cacao ou le café.

Il est incontestable que toutes les habitations devaient consacrer une part importante de leurs terres aux cultures vivrières et en particulier à celle du manioc, ce qui donnait une incontestable variété au paysage   agricole. On peut donc dire que le paysage   de la première colonisation mêlait étroitement un paysage   vivrier et un paysage   de plantations, le champ ouvert et le jardin, entre la mer et les montagnes couvertes de bois debout.