Paysages peints, XVIIe-XVIIIe-XIXe, entre projection onirique et réalisme
Vu de la mer
Des profils, la représentation picturale du paysage glisse vers les panoramas et les marines souvent appelés « vues en profil ». La vue de Saint-Pierre, exécutée en 1667 dans les ateliers de Blondel, comme celle du Carénage que Blondel signe la même année, hésitent entre le plan et la perspective cavalière dans une volonté de tout montrer depuis la mer. Certains auteurs paraissent conserver cette technique, alors qu’ils sont déjà passés à la vue véritable, mais c’est qu’ils reproduisent des dessins qu’ils n’ont pas exécuté eux-mêmes, tel Jan Kip, à partir de 1685.
La véritable vue marine commence en 1679, avec le Français Jean Barbot, dont Jan Kip a reproduit et multiplié en Grande-Bretagne la vue de Fort-Royal et celle de Saint-Pierre dans divers Atlas de Voyages. Ce type de paysage s’épanouit au long du XVIIIe, au point d’être adopté par l’occupant britannique.
Vue en Profil du Fort Royal de la Martinique, une des Antilles de Lamerique ainsy qu’il se montre du costé du Cul de Sac Royal de la Dte Isle dessigné le 31ème Juillet 1679 pr X (J. Barbot).
Fort Royal dans l'Isle Martinique vu du Mouillage}, dessiné par NicolasOzanne en 1780.
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Vue du Fort Royal de la Martinique du côté du Port}, gravure aquarellée du chevalier d'Epernay, vers 1785.
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Vue du Fort Royal de la Martinique du côté du Port} {prise à mi-côte du morne au bas de l'habitation de Madame Vanier.}Vue d'optique d'après le chevalier d'Epernay par Balthazar Friedrich Leizelt, graveur à Augsbourg, seconde moitié du XVIIIe siècle.
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Au XVIIe siècle, même lorsqu’ils ont séjourné sur les lieux, peintres et graveurs, exécutent leurs œuvres en Europe, en s’appuyant sur des mémoires - parfois des plans – et des profils. En revanche, pour le XVIIIe siècle, Serres, Epernay, Ozane et Wylliams sont venus sur les lieux et même s’ils n’ont pas entièrement peint sur le motif, pour des raisons pratiques, ils prennent des croquis identiques aux premiers profils marins qui leur servent de base pour composer ensuite l’ensemble de la vue.
Les bourgs de Saint-Pierre et surtout de Fort-Royal sont presque les seuls représentés et constituent l’essentiel des thèmes traités par l’iconographie d’avant la Révolution, souvent avec des préoccupations militaires. Ce sont elles qui ont incité les dessinateurs Serre et Wylliams à représenter d’autres lieux : La Trinité, Le Marin et l’îlet à Ramiers.
De façon tout à fait imaginaire, Théodore Gudin (1802-1880), peintre officiel du Second Empire, exécute des paysages de la Martinique, rappelant les épisodes militaires du début de son histoire : Fondation de la Colonie de la Martinique et Attaque de la Martinique par les Hollandais, en 1674.
Trouard de Riolle d’après Moreau de Jonnès, Vue de la Péninsule des Anses d’Arlet, 1820.
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Au XIXe siècle : essentiellement Moreau de Jonnès (1810, mis en aquarelle par Trouard de Riolle) et Auguste Plée (1820).
Paysages de l’habitation
* Anonyme, Une habitation à la Martinique, vers 1780.
Au XVIIe et XVIIIe siècles, l’intérieur des terres est peu représenté sous forme de paysage , du moins aucune trace iconographique n’en subsiste. En revanche, quelques scènes d’habitations, - de plus en plus réalistes et parfois authentiques -, nous sont parvenues. Le début du XVIIIe siècle nous a laissé de magnifiques plans terriers (relevés cadastraux) d’habitations parfaitement localisées. La représentation des bâtiments en élévation permet une véritable reconstitution du paysage , malheureusement sans la végétation.
A la fin du XIXe, les photographes prennent le relais, mais la gravure permet toujours une grande diffusion de certaines images qui s’imposent comme des références et des symboles de l’île. (Mémorial 2, p. 231)
Au XXe siècle les peintres n’interviennent que pour des manifestations qui suscitent des commandes (expositions coloniales, Tricentenaire), les graveurs disparaissent.
L’intérieur des terres
Opposition entre paysage réaliste (Jonnès, Plée, Anonyme 1760, 1820 et 1850), souvent à vocation utilitaire (Hab 3ILETS, Paysage 1820 et Martin), dessiné sur le motif, et paysage imaginaire dans la tradition exotique et orientaliste du Second Empire, avec des mises en scènes d’épisodes historiques, comme la prise de possession de la Martinique ou l’attaque hollandaise par Gudin.