La première phase de la colonisation européenne
A la Martinique, la colonisation peut se tourner, dès le début, vers les cultures commerciales sans se soucier de ravitaillement. Les colons héritent de tout le complexe alimentaire des Caraïbes fondé sur le manioc amer, la patate et toutes les racines et bénéficient d’un environnement propice à la pêche et à la chasse.
L’autonomie alimentaire de la colonie est acquise sous Duparquet : les premières habitations échappent à l’affaiblissement physiologique (famine, maladie) et aux massacres par les indigènes. La survie de l’implant colonial est assurée d’abord par l’apport indigène (aliments, drogues contre les maladies), ce qui suppose l’adaptation aux habitudes du pays (en particulier pour la cuisine et l’hygiène). Le colon devient un ’habitué’. La survie vient ensuite lorsque l’agriculture emprunte au monde indigène ses plantes et ses façons culturales. Le rôle des truchements, donc des métis, dans cette évolution est considérable.
Au même moment, la ’cueillette sédentarisée’ s’installe dans les îles. Ce stade de l’essai est caractérisé par la petite colonisation blanche et la culture du tabac, mais, pas plus que le ’coureur de bois’, le ’coupeur de bois’ ne disparaît encore : ce qui est nouveau c’est l’engagé. Paul Butel estime, dans un ouvrage récent [1], que l’engagement eut un rôle essentiel pour donner sa première main-d’œuvre agricole aux îles. L’âge du pétun (tabac) fut indissociable de l’afflux des trente-six mois. En somme, l’engagé signale le passage de la traite saisonnière à la colonisation sédentaire.
Sur un autre plan, celui de la traite (commerce), il commence à être question de sucre à partir de 1654, mais, à côté du pétun, d’autres produits de ’cueillette sédentarisée’ sont à ajouter au catalogue : roucou, coton, gingembre, indigo et encore les bois, en particulier le gaïac.
Cette première phase s’achève dans toutes les parties défrichées de l’île autour de 1720, moment où prend forme une colonisation organisée pour la production de sucre, de café et de cacao, sans que cette forme devienne unique ni même toujours majoritaire.