9 - La force des mornes habités

Une route étroite perchée sur une crête dans le ciel et le vent, à Duchêne (Le Robert) (dessin B. Folléa)
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Poussière d’habitat sur les flancs de la montagne du Vauclin
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Les mornes habités dans les hauteurs du Marigot
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Les sommets habités vers Duchêne, ouvrant des vues spectaculaires sur le littoral du Robert et du François
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L’habitat vers Duchêne, accroché aux pentes raides et accompagné de la végétation des jardins créoles
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Les mornes habités composent une des facettes paysagères les plus originales de la Martinique, profondément culturelle à force d’être contre nature. Ce paysage   prend une dimension spectaculaire dans les mornes du sud (Unités de Paysage   5.1 et 5.2), par l’étroitesse des échines auxquelles s’accrochent les cases, et par la raideur vertigineuse des routes qui gagnent puis qui suivent tant bien que mal les crêtes, reprenant les anciennes tracées. L’ensemble est dominé par la silhouette massive de la Montagne du Vauclin, qui forme un repère permanent pour tous les paysages du sud Martinique. De façon moins marquante, on retrouve l’ambiance des mornes habités dans les hauteurs de la « campagne habitée », de Morne   Capot à Saint-Joseph (UP 2.4), et sur les pentes caraïbes des Pitons (UP 2.2).

Le foisonnement végétal des jardins créoles est partout présent, rehaussé des larges taches claires des bananiers, des découpures brillantes des arbres à pain et des bouquets souples des cocotiers. Mais la La valeur contemporaine des mornes habités émane également de sa permanente dualité, qui enrichit et complexifie les ambiances : des immenses horizons dégagent des vues d’avion sur les plaines et le littoral en contrebas, en même temps que des vues intimes plongent au cœur de la végétation des jardins ; des cases d’apparence modeste s’environnent de jardins opulents ; des crêtes impériales et calmes dominent des tempêtes de pentes ; l’ensemble compose un paysage   à la fois aérien et terrien.

Mais la valeur des mornes habités ne tient pas qu’à cette riche palette d’ambiances. Elle est rehaussée par l’origine de ce paysage  , son histoire, construite contre nature au point d’occuper des situations impossibles : l’histoire de la conquête de ces hauts par une population libérée de l’esclavage, soucieuse de s’éloigner des grandes plaines esclavagistes, désireuse de s’auto-subvenir sans plus dépendre des possédants des habitations ou de l’En-ville  . Cette montée fait passer la population depuis les bas fonds des villages d’esclaves jusqu’aux hauteurs éthérées des mornes. En ce sens, les mornes habités composent un véritable paysage   symbolique, ou emblématique : le visage fier de la liberté.