130.Moreau du Temple (1770) et après

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* Carte de Moreau du Temple 1770

1. Moreau du Temple et ses collègues ingénieurs du Roi qui lèvent sur place la carte de la Martinique, entre 1763 et 1770, rendent le relief par la projection horizontale, ce que Moreau de Jonnès appelle « orthographique » : les pentes sont ombrées et les sommets figurés en clair.

La technique de Moreau du Temple - et plus tard celle de Jonnès - s’inspirent en partie de celle employée par Cassini et les ingénieurs géographes à partir des années 1750 : ils ont abandonné les perspectives cavalières et l’estompage au lavis, auquel ils préfèrent parfois de fines hachures, représentent les lignes de plus fortes pentes. Ce mode de figuration évolue ensuite lentement vers l’utilisation des courbes de niveau. Pour y parvenir, il faut des méthodes de levés exacts, nombreux et précis, des instruments (baromètre à mercure) et des équipes de terrain aptes à les mettre en œuvre. Il fallut aussi attendre le résultat des recherches des physiciens du XVIIIe siècle pour déterminer les coefficients de variations ainsi que les progrès de la géométrie plane pour exprimer les altitudes en courbes de niveau.

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* Carte d’état-major 1877

Pourtant, les pentes continuent à être exprimées sur les cartes d’état-major du XIXe siècle par des hachures. Et la plupart des cartes à petite échelle du XIXe siècle conservent la figuration inaugurée par Jonnès.

2. Si l’on considère la production cartographique de Jonnès (1808-1817) et celle de ses successeurs du XIXe siècle, on constate qu’elle emprunte entièrement le tracé général et la topographie de l’intérieur de l’île à l’œuvre des ingénieurs du roi. Seule l’hydrographie et par conséquent le détail du littoral ont progressé vers plus d’exactitude. La toponymie en revanche est en recul et inaugure les erreurs que l’IGN a entérinées et aggravées au XXe siècle. Comme celle de Moreau du Temple, la carte que Moreau de Jonnès présente à l’Académie des Sciences en 1816 n’a jamais été imprimée pas plus que la réduction qu’il en a fait en 1820. Cela s’explique facilement lorsque l’on compare ses cartes à celles de Monnier et Le Bourguignon.

Il faut reconnaître que, malgré ses prétentions pour l’étude des roches et l’explication des formes du relief dans un but à la fois scientifique et militaire, les cartes générales et particulières de Jonnès ne témoignent pas d’une exactitude de relevés aussi rigoureuse et mathématique que celle des ingénieurs géographes. En outre, son identification des lieux-dits ou des habitations est parfois obsolète, fausse ou en retrait par rapport à Sainte Croix.

3. Pour le reste du XIXe siècle, les documents essentiels restent les 9 cartes établies par le Service hydrographique de la Marine après la campagne de triangulation et de mesures hydrographiques réalisée par Paul Monnier et Le Bourguignon-Duperré (18241825). Alors que la carte de Moreau du temple demeure une pièce d’archives, les cartes de Monnier sont imprimées entre 1827 et 1831 accompagnée d’une Description nautique des côtes de la Martinique et remplacent immédiatement celles de Bellin qui continuaient à servir de référence. Elles ont été révisées à plusieurs reprises ensuite, en ce qui concerne les baies et les ports, et rééditées jusqu’en 1908.

Ces cartes comprennent : Une carte générale de la Martinique, les plans du Cul de sac Marin, du havre de la Trinité, des havres du Robert et du François, de la baie de FortRoyal, de la rade et de la ville de SaintPierre. Les commentaires appropriés sont donnés dans les Instructions Nautiques : Océan Atlantique, Mer des Antilles 2 vol. (MONNIER 1831)

Peu après 1920, gouverneur et Conseil général s’entendirent pour confier à la C. A. F. le levé d’un plan cadastral. C’est à cette occasion que fut exécutée la triangulation de M. Jarre concurremment avec la prise de vues aériennes. Il n’était d’ailleurs pas question de cartographie à proprement parler et cela peut expliquer pourquoi les ingénieurs de la C. A. F. ne paraissent pas s’être souciés d’une précision rigoureuse dans leurs cotes d’altitude, et pourquoi ils ont accordé aussi peu d’attention aux massifs presque déserts et boisés des Pitons et de la Pelée.

5. Cependant, l’abondante documentation recueillie en 1926 a permis à M. Meunier de faire paraître en 1936, alors qu’on venait de célébrer le tricentenaire du rattachement des Antilles à la France, une carte de l’île au 1/50.000°, en cinq couleurs, avec courbes de niveau de 20 en 20 mètres [1]. Revert estimait que cette carte marquait pour les usagers un progrès considérable. Pour la première fois, les chemins vicinaux sont indiqués, de même les maisons ou groupes de maisons isolés, le chevelu des rivières et des ruisseaux est plus complet qu’auparavant. L’ensemble est bien imprimé et bien présenté. Il est nécessaire cependant de faire des réserves sur la figuration du terrain, M. Meunier n’étant jamais venu à la Martinique. Après la C. A. F., il a méconnu l’importance du Piton   Gelé, qui domine le Champ Flore, et auquel il attribue 250 à 300 mètres de moins qu’il n’en a réellement. (meunier 1936)

En 1946 enfin, juste après sa fondation, puis en 1951, l’Institut Cartographique National dépêchait des missions à la Martinique pour y établir une carte topographique en courbes de niveau, au 1/20.000 (publiée en 1951) puis au 1/25.000 (publiée en 1957).